La règle de la réserve héréditaire, qui consiste à réserver une partie du patrimoine aux enfants, pourrait évoluer. Un rapport propose de la maintenir au profit des seuls descendants et de la limiter, au maximum, aux deux tiers du patrimoine successoral.
En France, la liberté de disposer de son patrimoine que ce soit sous forme de donation ou par succession souffre une exception de taille : la réserve héréditaire. Cette part réservataire correspond à la fraction de patrimoine qui doit obligatoirement revenir à certains héritiers (dits « réservataires ») : les descendants de l’intéressé ou le conjoint survivant si le défunt ne laisse pas de descendants. La fraction restante constitue la « quotité disponible ».
Aujourd’hui, en présence d’un enfant, celui-ci a droit à la moitié du patrimoine. En présence de deux enfants, chacun a droit à un tiers. En présence de trois enfants et plus, chacun a droit à un quart. La quotité disponible se réduit donc en fonction du nombre d’enfants. Ce principe enraciné dans le droit successoral français est régulièrement remis en cause depuis une dizaine d’années.
Un principe remis en cause
La réserve héréditaire peut être contournée dans le cadre d’une succession internationale, comme en témoigne la récente affaire Johnny Hallyday, grâce à des législations successorales qui ne connaissent pas ces règles. Le mécanisme de l’assurance-vie est également utilisé pour échapper aux règles de la quotité disponible et de la réserve héréditaire, car le capital ou la rente versés au titre d’une assurance-vie souscrite au bénéfice d’un tiers ne font pas partie de la succession du défunt et ne sont donc soumis ni aux règles du rapport à succession, ni à celles de la réduction pour atteinte à la réserve des héritiers du contractant.
La réserve est également critiquée en ce qu’elle constitue un frein au développement de la philanthropie voire à la transmission d’entreprise. Enfin les évolutions sociétales, notamment celles de la cellule familiale, achèvent de donner aux arguments aux tenants d’une réforme de la réserve héréditaire.
Assurer la protection des enfants
La question de l’utilité et de la pertinence de la réserve héréditaire vient de faire l’objet d’un rapport, remis par un groupe de travail missionné par le ministère de la Justice. Les experts consultés, chargés de dresser un état des lieux et d’envisager les évolutions possibles de la réserve héréditaire concluent à la nécessité de maintenir le mécanisme pour les descendants. Supprimer la réserve héréditaire fragiliserait grandement la filiation elle-même, à l’heure où elle devient plus élective, et conduirait à méconnaître l’intérêt de l’enfant, souligne le rapport.
Pour augmenter le taux de la quotité disponible, le rapport propose cependant de limiter à deux branches le montant de la réserve héréditaire au lieu de trois. Dans le projet, le montant de la réserve héréditaire serait limité à la moitié de la succession en présence d’un enfant (comme actuellement) et aux deux tiers de la succession à partir de deux enfants. En revanche aucune limite de la réserve en fonction de la fortune du défunt n’est envisagée.
Suppression de la réserve pour le conjoint
En revanche, évolution importante, la réserve héréditaire serait supprimée pour le conjoint. Pour le groupe de travail, la réserve héréditaire ne constitue pas un outil juridique adéquat pour protéger le conjoint survivant et est peu adaptée aux évolutions actuelles de l’institution du mariage. En contrepartie, de cette suppression, ce dernier se verrait octroyer des droits renforcés sur le logement qu’il occupe.
Le rapport préconise également de faire entrer l’assurance-vie dans le calcul de la réserve héréditaire et de la quotité disponible ou encore de faire évoluer la renonciation anticipée à l’action en réduction des libéralités successives en un véritable pacte de famille. En revanche, aucune recommandation n’est faite pour faire évoluer la réserve héréditaire afin de faciliter les actions de philanthropie.