Les propriétaires rivalisent d’astuce pour continuer à louer leurs biens en location de courte durée. Afin de lutter contre ces locations meublées de tourisme, Paris durcit peu à peu sa réglementation comme les autres métropoles européennes. Le juge européen l’y encourage.
Au premier trimestre 2022, le géant du meublé de tourisme Airbnb a réalisé un chiffre d’affaires record de 1,5 milliard de dollars, en augmentation de 80% par rapport au premier trimestre 2019. Face au boom des locations de courte durée, de nombreuses métropoles ont durci leur réglementation. La justice européenne conforte leur démarche. En avril 2022, la Cour de justice de la Communauté européenne (CJUE) a en effet validé l’obligation faite aux plateformes de mise en relation de transmettre au fisc belge les informations relatives aux transactions immobilières opérées par leur entremise. En septembre 2000, la CJUE avait validé le mécanisme d’autorisation préalable mis en place par Paris.
Paris : changement d’usage et mesure de compensation
La France constitue le premier marché international de la start-up californienne. Paris, suivi de nombreuses villes dont Bordeaux, Nice, Marseille, Lille, Nantes, Strasbourg ou encore Toulouse ont mis en place des règles restrictives pour encadrer le marché des locations saisonnières afin de protéger le parc locatif privé et de favoriser l’accès au logement des résidents.
La réglementation limite à 120 jours par an la location des résidences principales et soumet à une procédure de changement d’usage la location des résidences secondaires. À Paris, cette procédure est subordonnée à une mesure de compensation. Le bailleur doit être propriétaire d’un local commercial d’une surface équivalente au bien à louer et s’engager à le transformer en local d’habitation ou, à défaut, présenter un titre de compensation ou cession de titre de commercialité. Ces règles de compensation peuvent être renforcées, c’est-à-dire soumises à une compensation doublée, voire triplée.
De nombreuses procédures
Afin de faire respecter cette réglementation, la Ville de Paris a lancé de nombreux contrôles et initié des procédures judiciaires contre les propriétaires indélicats. Sur les quelque 500 procédures engagées, plus de 400 ont fait l’objet d’un jugement, en grande majorité en faveur de la Ville. La réglementation prévoit pour les contrevenants une amende de 50.000 euros par logement loué irrégulièrement. Une astreinte de 1.000 euros par jour et par mètre carré peut être prononcée jusqu’à ce que le logement soit rendu à son usage initial.
À ce jour, la Ville de Paris a déjà récupéré plus de 14 millions d’euros d’amendes. Précisons en outre, qu’à l’été 2021, Airbnb a été condamnée a verser 8 millions d’euros d’amende à la ville pour avoir publié des annonces sans le numéro d’enregistrement exigé par la réglementation.
Des trous dans la raquette
Mais la position de la ville n’est pas complètement assurée et nombre de propriétaires parviennent à se soustraire à sa réglementation. Premier écueil : pour obtenir gain de cause devant le juge, la ville doit systématiquement démontrer que le local à usage d’habitation transformé en meublé touristique sans autorisation, avait déjà un usage d’habitation en 1970. Or nombre de dossiers sont lacunaires et la Ville de Paris peine à apporter cette preuve s’exposant à perdre ses procès en première instance ou en appel.
Second écueil, la propension des propriétaires à contourner la loi en transformant de petits commerces en meublés touristiques. Un décret de juin 2021, permet désormais aux municipalités de réglementer ces transformations. En novembre 2021, Paris s’est doté de nouvelles règles afin de les soumettre à autorisation, voire d’en supprimer la possibilité dans les zones protégées par le plan local d’urbanisme. Mais les propriétaires se sont adaptés et transforment désormais des bureaux en résidences de tourisme. La Ville envisage donc d’aménager à nouveau sa réglementation, quitte à mettre en place un mécanisme de quota par quartier pour les meublés de tourisme.